Rencontre du 3 sept 1998 : invité monsieur M PUECHAL PDG d'Elf ATOCHEM
RENCONTRE DU 3 SEPTEMBRE 1998
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Invité : M. M PUECHAL . Président Directeur Général d'Elf-ATOCHEM.
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Après un début de carrière dans le corps des mines, M Jacques PUECHAL a intégré ce qui allait devenir le groupe ELF, dans lequel il poursuit sa brillante carrière jusque dans son poste actuel de Président Directeur Général d'Elf-ATOCHEM. |
Intervention de M. PUECHAL LA MONDIALISATION Le point de départ de tout a certainement été la circulation accélérée de l'information. L'évolution de l'informatique est telle que le jeune citoyen en sait souvent plus en matière d'informatique que le salarié. Lié à ça, il faut ajouter la fluidité du mouvement des capitaux. Enfin, les populations disposent toutes des mêmes éléments d'information. Il en est résulté des conséquences de toutes natures : politiques, sociales, économiques etc... Il y a ensuite eu des tentations de réaction. avec des comportements différents suivant les pays. Il y a en premier lieu la réaction de domination américaine et son théorème de base : " démocratie + capitalisme = succès" dicté comme loi universelle. Il y a eu des réactions d'acceptation sous des formes extraordinairement différentes : - L'Amérique latine l'a reçu et souvent intelligemment digéré. - La Russie l'a reçu, et ça a conduit à des abus absolument extraordinaires. - La Chine l'a reçu, pour conduire à des réactions complètement différentes. - Les "dragons l'on reçu et n'ont rien compris. - Le Japon l'a modérément reçu, avec une réaction de défense des vertus nationales. - Quant à la France, c'est "l'exception française", avec un mélange de peur, de rejet culturel et économique : beaucoup de français voient la mondialisation comme un désastre annoncé. Après la chute du rouble, les médias et les commentateurs nous annoncent la crise mondiale et discutent de son ampleur future ... On voit s'amplifier l'effet "domino" ( on pourrait parler d'une méthode Coué contagieuse) car quelle est la relation entre la chute du rouble et une crise économique en Amérique Latine?... On ne recherche même plus les liens réels entre la sphère financière et médiatique et celle de l'économie réelle. On n'a plus le temps de réfléchir. Comment les entreprises et les états peuvent et doivent réagir à ce phénomène de mondialisation ? Comment revenir à un peu plus de bon sens ? Dans les entreprises, on parle de globalisation plutôt que de mondialisation. C'est le phénomène d'internationalisation qui s'accélère. Le phénomène d'internationalisation est connu depuis longtemps: Au 19ème siècle, début 20ème, on a connu une phase zéro, liée aux guerres et aux conquêtes militaires. Par exemple, la constitution des empires coloniaux était une forme d'internationalisation économique. Plus tard, à la fin de la 2ème guerre mondiale, Marshall a institué son plan, dans la perspective (confirmée par les faits) de retours pour l'industrie américaine. Dans une seconde phase, dans les années 1970 / 90 , on a privilégié les économies d'échelle pour la production, avec des regroupements sur le plan international. Nous sommes rentrés dans une troisième phase, qui concerne les pays émergeants, et à ce jour, la globalisation peut devenir pour nombre d'entreprise, un des facteurs de survie. Par exemple, pour la chimie, le nombre d'acteurs par zone géographique. En Europe, en pétrochimie, il n'y a que 10 à 15 acteurs importants. Pour la chimie très élaboré, guère plus d'une dizaine d'acteurs font 80% du marché mondial. En pétrochimie, il y a 150 acteurs. La globalisation touche plus ou moins les secteurs en fonction de leur activité. En France, on constate une sainte horreur de la "finance", une approche extrêmement négative de l'actionnariat, et la dichotomie qui existe pour une même personne entre son avis de salarié et son avis d'épargnant. Les Européens ont un atout considérable vis à vis des américains dans le phénomène de globalisation mondiale: les contraintes de la construction européenne sont un entraînement pour une vision plus internationale. De plus, les entreprises sont plus dynamiques que les états et les politiques et peuvent contourner les barrières nationalistes ou idéologiques. De plus les entreprises travaillent pour le moyen terme et non pour le court terme. Elles ont donc besoin d'une stabilité relative. Elle ne peut pas réagir à très court terme comme le courtier en bourse. Ce besoin de stabilité ne doit pas être confondu avec le conservatisme. Il faut s'adapter en permanence, l'adaptation au jour le jour signifiant "effort", l'adaptation par à-coup signifiant restructuration. Pour les états, on constate l'impuissance du G7. Au fond, il s'agit plutôt d'une prise de conscience que le monde pour pouvoir vivre et se développer (9 milliards d'hommes prévus en 2050 !) doit obéir à un certain nombre de règles implicites, qui sont des règles de bon sens : - la stabilité politique (en France, députés et fonctionnaires sortent presque tous du même moule, aux USA, ils sont presque tous "lawyers"...) La Russie a oublié ce principe et ses problèmes actuels en découlent. A l'inverse, la grande stabilité de l'état chinois, où des membres du parti communiste prêche la diffusion du capitalisme, et l'économie de marché. - Danger de la confusion entre les transferts sociaux et la solidarité. Les mécanismes mis en place de transferts sociaux ne sont pas obligatoirement des mécanismes de solidarité, mais des mécanismes à fabriquer des droits acquis, mécaniques à financer la médiocrité. Depuis 1945, on a réalisé en France un bon nombre de "transferts sociaux", pour régler des problèmes sociaux. L'application de la recette au système du chômage n'a pas marché parce que le chômage est avant tout parce que le chômage est d'abord un problème individuel avant d'être un problème collectif, et la solution inadaptée choisie coûte de plus en plus cher et est de moins en moins efficace. Cette confusion entre transferts sociaux et solidarité est un des grands problèmes en France, et les excès des transferts sociaux conduisent à mettre les entreprises et leur encadrement dans une position difficile, en opérant un lissage égalitariste encourageant la médiocrité, qui minent l'esprit d'initiative et de solidarité, ainsi que l'état qui accepte l'excès des transferts sociaux automatique. Pour exemple, le communisme qui avait tué la force d'initiative de l'encadrement économique, et que c'est une des raisons de la faillite du système communiste. Les conséquences n'en ont pas été tirées en France. Le mur de Berlin existe toujours en France, alors que dans les autres pays, cette réflexion a évolué dans un sens beaucoup plus positif pour l'encadrement. - Homogénéité des systèmes économiques pour les entreprises. Il n'est pas possible dans le monde économique de demain des systèmes qui ont des disparités trop fortes, sur la façon profonde dont les entreprises doivent se comporter. La raison d'exister d'une entreprise, c'est de créer de la valeur ajoutée d'une façon ou d'une autre à la collectivité. Ce fait n'a pas toujours été aussi bien admis qu'à ce jour, mais ca n'était pas du tout admis dans un certain nombre de pays du monde . Si les entreprises ne sont pas soumises aux mêmes règles, elles vont faire n'importe quoi. L'exemple le plus clair est la Corée, Les Coréens n'ont pas pris en compte le fait que leurs investissements devaient procurer quelque-chose de plus. Ils vivaient comme des entreprises qui reçoivent éternellement de l'argent et qui se développent éternellement, à n'importe quel prix, dans n'importe quelle condition, de n'importe quelle façon. Nous avons constatés que des coréens (de grandes entreprises) ne savaient même pas ce que c'était qu'un prix de revient... |
QUESTIONS DES PARTICIPANTS : Q : Les plans prévisionnels des entreprises sont faites à partir d'hypothèses tirées de résultats partiels à mi année, pour imposer un certain nombre de quota et de règles sans forcément tenir compte de l'évolution qui se produira forcément entre le moment de la prise de décision et son application. On fait un raisonnement logique à partir d'une hypothèse fausse. Cette approche est elle judicieuse compte tenu de la vitesse avec laquelle circule l'information actuellement ? La relation entre la crise en Russie et les problèmes de l'Amérique du Sud dont parlent les média n'est elle pas simplement à comparer aux moutons de Panurge , et à une certaine automatisation des réactions ? R : Si dans le troupeau la majorité va dans une direction, il faut bien qu'il y en ait qui réfléchissent. Dans la sphère financière, il est inquiétant, tant pour le citoyen que pour le chef d'entreprise, que des décisions à moyen terme soient prises sur des mouvements instantanés. Il est indispensable de se donner un délai de réflexion. Q : ATOCHEM se situe dans les 24èmes mondiaux, l'objectif étant de se retrouver dans les 10 premiers. Quelle stratégie comptez vous suivre pour y arriver ? Dans le cadre de la globalisation, des regroupement comme celui qui vient de se faire entre BP et AMOCO représentent t il un danger pour des groupes tels que ELF ? Y a t il des risques d'OPA ? R : la comparaison est difficile, mais les éléments que nous avons montrent qu'ils ne sont pas meilleurs sur le plan pétrolier, ils n'ont pas de pharmacie, que leur chimie est moins rentable que celle de ELF... Le critère reste le bénéfice par action. Il est même possible que de par leur regroupement, BP-AMOCO risque de perdre des parts de marché sur les "bids" pour les gisements, car c'est l'état hôte qui décide de la répartition des gisements. BP et AMOCO une fois réunis risquent de ne plus compter que pour un au lieu de deux aux yeux des états hôtes. Ne pas confondre stabilité et conservatisme. Les choses devront socialement et économiquement évoluer et se moderniser. Q : Que pensez vous des 35 heures ? R : Sur le temps de travail : Pour mon cas personnel, si je ne compte que le travail réel, je n'arrive pas à faire 35 heures de travail par semaine. Ce qui ne veut pas dire que je ne fais pas beaucoup de présence. (*) Il n'y a pas de gadget qui permette de régler un problème tel que le chômage. Il se résoudra à coup d'initiatives, de création, de mesures ciblées d'encouragement. Le SMIG par exemple est un facteur de chômage. La France est d'ailleurs le seul pays au monde où le SMIG est le même quelque soit l'âge. Nous sommes dans une situation de conservatisme absolu. Q : Lorsque vous nous avez parlé de la valeur ajoutée que doit produire l'entreprise, il n'est apparu que le volet du résultat financier de celle-ci, laissant de coté les autres valeurs ajoutées: services rendus à la société, salaires distribués etc... R : Que l'entreprise fasse des bénéfices ou non, elle distribue des salaires, elle achète et elle vends des produits et de ce fait elle rends des services à la collectivité. Mais l'entreprise qui gagne doit remplacer l'entreprise qui perds. Elle doit savoir aussi gagner de l'argent. Q : Le rapprochement ELF - TOTAL est il à l'ordre du jour ? R : Q : Mettre l'actionnaire en priorité n'est il pas le grand gadget actuel de toutes les entreprises, et pourquoi considérer les 35 h comme un gadget ? Y a t il une volonté du patronat de créer des emplois ? R : l'actionnariat est un des éléments à prendre en compte. Refuser de prendre en compteur élément par ce qu'il ne plaît pas c'est faire une erreur, quitte à nuancer. Les 35 heures sont un fait imposé qui à notre avis n'est pas la bonne approche du problème. Quant aux emplois : qui ne voudrait pas créer d'emplois ? Si l'on veut créer des emplois en France, ce sera dans les services, car les emplois industriels continueront à baisser. Q : Le concept de globalisation de l'activité lié à la recherche de compétitivité doivent ils induire la délocalisation des activités et des emplois ? R : Dans la chimie, la réponse est NON. Ce fut vrai dans l'industrie du textile ou de la chaussure. La réponse est oui dans l'informatique - pour le moment - . Nous avons par exemple une usine à Singapour identique à notre usine anglaise. Quand on l'a démarré, les salaires étaient de 40% inférieurs à Singapour, aujourd'hui, ils sont de 10 à 15% supérieurs aux salaires anglais. faut il ramener notre usine de Singapour en Angleterre ? Sur le plan international, il y a plus de stabilité des investissements que ce que les gens pensent généralement. Q : Des contrôles de l'inspection du travail dans certaines entreprises de la Défens ont montré l'existence d'horaires abusifs, des écrétages illégaux . Si en tant que délégués du personnels, nous demandions que la moi soit appliquée strictement, les entreprises seraient bien obligées de payer non seulement les heures supplémentaires, mais aussi les amendes, ou d'embaucher, pour faire simplement le travail qui est fait actuellement gratuitement, notamment par l'encadrement. ne conviendrait il pas d'y réfléchir pour résoudre sérieusement ce problème ? R : Malgré les boutades sur mon temps de travail, je pense qu'il faut faire respecter les horaires de travail. Q : Des études ont été faites voici plus de 20 ans, montrant que la redistribution sociale en France était totalement inefficace. Que faire pour la rendre efficace ? R : Une réflexion est indispensable pour faire la différence entre efficacité et redistribution. Le débat sera difficile, mais il est inéluctable à moyen terme, et l'encadrement et la CGC doit y avoir sa part. Q : Vous avez dit qu'il faut démontrer la justesse de ses positions, lorsque le sujet des O.P.A. a été abordé. Mais en France, la cooptation joue un rôle que l'on ne retrouve pas dans les conseils d'administration américains. Persuader des personnes coopter doit être moins difficile que persuader des administrateurs représentant des actionnaires ? R : Il y a une longue tradition française de C A "cour de récréation des copains", mais il y a un mouvement qui s'est amorcé et qui devrait prendre du temps, mais la situation actuelle deviendrait vite incompatible avec ce qui se passe en bourse. Q : Face à la mondialisation, quels sont les choix dans les modes d'investissement (délocalisation, automatisation ... ) ? R : L'automatisation est devenue en France une espèce de réflexe conditionné. Un exemple, le parking : aux USA, on ne peut pas pénétrer dans un parking sans qu'il y ait quelqu'un qui vous prenne les clefs de votre voiture pour vous la garer et vous la ramener. Ce n'est pas forcément un élément de progrès de ne pas avoir le sourire de quelqu'un en entrant ou en sortant d'un autoroute. Mais la raison en est peut être dans le refus d'envisager des possibilité de salaires partiels ou de niveaux de salaires différents. De plus en France, l'automatisation a peut être été utilisée pour faire l'économie de relations sociales normales. L'informatisation à outrance peut conduire à des perversions de même nature. la crispation des relations sociales en France est un des sujets de forte préoccupation. Q : La mondialisation et la vitesse de transmission de l'information n'est ni une garantie d'exactitude ni une protection contre la manipulation de celle-ci. R : A titre de simple exemple, je ne citerait que le rachat d'ATOCHEM par Dupont de Nemours annoncé cet été... Q : L'externalisation des services constatée dans nos entreprises est elle un phénomène encouragé ou freiné par les directions ? R : Il n'y a pas eu de consigne impératives à ce sujet, mais c'est une façon pour l'entreprise d'avoir plus de souplesse. Mais plus on augmente les contraintes du code du travail, plus on augmente l'externalisation. Dans ce cas, ce n'est pas le nombre d'heure qui est affecté, mais les statuts. Q : Quelle sera l'incidence de la crise actuelle sur l'emploi, les approvisionnements, les débouchés de nos entreprises et les perspectives sur l'ensemble des produits de base? R : L'Asie aura un impact, mais il faut raison garder et leur "come back" arrivera un jour. Il n'est pas prévu de modifier nos schéma d'investissement dans cette région du monde. H B |
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